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« L’avocat doit être de plus en plus spécialisé » par François-Luc Simon, cofondateur et codirigeant de Simon Associés, docteur en droit

Interview pour le Journal du Management

Quelle place occupe la distribution et la franchise dans votre activité ?

Notre cabinet compte actuellement 70  avocats  dans  une   douzaine  de départements, dont les deux départements prépondérants que sont «Distribution, concurrence, consommation » et «  Entreprises en difficulté ». Nous sommes particulièrement identifiés en droit de la franchise, côté franchiseurs, puisque nous accompagnons un très grand nombre des gros réseaux.

La   franchise   est   une   discipline particulière  parce  qu’elle  n’est  pas enseignée  à  l’Université,  en  dehors de   quelques   heures   perdus   dans certains  cursus  de  3è  cycle.  C’est comme si, à la fac de médecine, il n’y avait rien sur le pied ; il ne faudrait pas  avoir  un  problème  au  pied.  Les avocats  en  franchise  sont  donc  une denrée rare. Même pour nous, il est difficile de trouver dans ce domaine des collaborateurs de qualité et qui aiment ce qu’ils font. Je me suis moi- même  formé  par  accident  à  cette spécialité,  parce  que  j’ai  eu  deux grosses franchises comme clients, que j’ai aidées à sortir de leur problème, et j’ai alors réalisé qu’il y avait très peu d’avocats dans ce domaine du droit. C’était il y a 25 ans. Depuis lors, la franchise s’est beaucoup développée en France, et notre activité aussi.

Avec  les  entreprises  de  franchise, l’interaction  avec  les  dirigeants  et les  actionnaires  est  constante,  il  y a beaucoup de confiance qui naît et nous sommes sollicités sur beaucoup d’autres   sujets,   jusque   sur   des dossiers internationaux. Nous avons eu  également  plusieurs  dossiers  de cyberattaque  en  2020  pour  certains de ces réseaux de franchise. Sachant que  c’est  un  domaine  qui,  comme le  droit  de  la  franchise,  n’a  pas  de cursus à l’Université, les entreprises sont  ravies  d’avoir  recours  à  notre expertise  sur  ce  sujet.  De  la  même manière, nous sommes très demandés lorsque  des  franchises  rencontrent des difficultés économiques – plan de sauvegarde…  –  parce  que  nous  une expertise « Entreprises en difficulté » particulièrement reconnue et pointue.

Il nous faut être de plus en plus spécialisés, parce que les équipes juridiques de nos clients deviennent elles-mêmes de plus en plus importantes et performantes.  Ils ne vont donc plus faire appel à des cabinets d’avocats que pour des spécialisations très avancées. Pour répondre à cela, nous recrutons des experts hyper spécialisés, et nous organisons la formation en interne pour stimuler cette expertise, en demandant par exemple à des professeurs de droit de nous challenger sur des sujets très poussés.

Quelles évolutions observez-vous chez vos clients ?

La  période  de  Covid  a  permis aux enseignes de renforcer leur digitalisation, et cela va rejaillir sur les contrats. Il faut juste attendre un peu mais on va voir cela rentrer de plus en plus dans les mœurs, donc dans les contrats de distribution, et pas seulement dans les contrats de franchise.

Un autre élément que l’on voit se développer dans les contrats de distribution sont les KPI, les key performance indicators. Alors que, il y a dix ans, on ne disposait que d’indicateurs incertains, lacunaires et tardifs, ces solutions sont désormais très bien faites, et suffisamment ludiques pour que les gens les utilisent. Aujourd’hui, tout est mesurable et comparable en temps réel, les distributeurs disposent donc d’informations instantanées, précises et fiables, et on voit arriver ces KPI dans les contrats. Les acteurs économiques vont donc nous demander d’intégrer intelligemment ces KPI pour modifier certains aspects de la relation contractuelle. On peut très bien imaginer qu’un franchisé dont les indicateurs seraient mauvais ne puisse pas renouveler son contrat, ou voit son contrat résilié, ou, plus modestement, se voit refuser un avantage qu’on accorderait à un autre qui respecterait davantage le produit et le concept. C’est là le triomphe de la méritocratie.