COVID-19 et impact sur la négociation des opérations de M&A
Impact de la crise sanitaire liée au COVID-19
La crise sanitaire liée au COVID-19 a eu un impact significatif sur les opérations de fusions-acquisitions intervenues durant cette période.
La crise économique annoncée pourrait également avoir d’importantes répercussions sur l’activité liée à ces opérations malgré les mesures prises par le gouvernement.
Les entreprises, selon leurs secteurs d’activité, peuvent être dans des situations diverses entre celles très peu impactées et celles qui voient leurs activités arrêtées, suspendues ou affectées.
En cette nouvelle période de crise, les relations entre vendeurs et acheteurs ne seront plus les mêmes dans la mesure où ces derniers vont essayer de contrôler au mieux les risques liées à la dégradation du contexte économique. A ce titre, la gestion des risques va être au centre des opérations de M&A à venir.
Pour approfondir :
Le Covid-19 a évidemment eu un impact sur les opérations de M&A en cours pendant la crise sanitaire. Cependant, il semble également évident qu’il marquera de son empreinte les opérations à venir.
L’impact sur les opérateurs en cours.
Comme pour l’ensemble des différentes activités économiques, les opérations de rapprochement entre entreprises ont été largement impactées par la crise du Covid-19.
Il est difficile aujourd’hui de faire un bilan précis et exhaustif de la poursuite ou non des opérations pendant cette période.
De plus, pour qu’un tel bilan soit pertinent, encore faut-il prendre en compte l’état d’avancement des négociations entre les parties au moment de la crise sanitaire (phase de due diligence, signature du contrat de cession, réalisation de celle-ci) et également tenir compte du secteur d’activité.
Les premières données semblent indiquer une baisse de l’activité M&A sur le marché mondial de près de 40% pour le 1er semestre 2020 par rapport à l’année dernière. Des grosses opérations de rapprochement d’envergure se multiplient depuis cet été (offensive Veolia Suez, offre Altice USA sur Cogeco ou LVMH sur Tiffany). La dynamique semble donc repartie même si l’activité reste en fort recul par rapport à 2019 dans le monde.
La survenance du Covid-19 a pu entraîner des effets divers sur les opérations en cours : remise en cause des conditions de l’opération (notamment du prix et des déclarations et garanties), remise en cause de l’opération en elle-même ou bien remise en cause du calendrier de l’opération. C’est ce qui a pu arriver par exemple aux Etats-Unis dans les dossiers Victoria’s Secret ou bien CorePower Yoga où la justice a dû être saisie pour demander l’exécution de la vente. Chaque situation est différente selon la cible, l’acquéreur, le financement et le secteur concerné.
Pour les opérations qui n’étaient pas encore réalisées de manière définitive, il existait un vrai risque que la survenance du virus puisse justifier la fin des négociations entre les parties sans que cela ne puisse être considéré comme abusif par les tribunaux.
Pour autant, nous constatons que les opérations de M&A ont pu se poursuivre malgré ce contexte particulier même si cela a pu être à des conditions différentes de celles initialement prévues.
Cette crise marquera de manière profonde les opérations futures et a permis de remettre sur le devant de la scène des mécanismes de renégociation contractuelle parfois oubliés, dont l’utilité semble beaucoup plus évidente aujourd’hui.
L’impact sur les opérations à venir
Cette crise a mis en lumière de manière brutale l’un des principaux enjeux des opérations de M&A : la gestion du risque et de l’incertitude. Cette problématique est particulièrement importante en cas de période longue entre le signing et le closing d’une opération.
Il nous semble important de rappeler qu’il existe aujourd’hui plusieurs mécanismes contractuels qui essayent de pallier à ce problème : les clauses de Material Adverse Change (MAC), les clauses de hardship, les déclarations et garanties ou bien encore l’ajustement du prix de cession.
Les clauses de MAC ont pour objet de spécifier les conditions permettant de mettre un terme à une transaction suite à la survenue d’un événement susceptible d’impacter de façon significative la situation de la société cible. Cette clause est protectrice des intérêts de l’acquéreur puisqu’elle lui ouvre, selon les conditions négociées avec la cible, la possibilité de sortir de la transaction. Il convient d’être le plus précis possible sur la rédaction de la clause afin d’éviter le contentieux sur son application. La pandémie va certainement multiplier son utilisation et les praticiens ne manqueront pas de faire référence directement à cette épidémie (ou un risque sanitaire) à l’avenir dans leurs clauses. Cette clause peut se révéler particulièrement utile entre le signing et le closing, intégrée comme condition suspensive de l’opération.
Les clauses de hardship pourraient également être mises en avant dans les futures opérations de M&A. Cette clause permet d’exiger que s’ouvre une nouvelle négociation lorsque la survenance d’un évènement de nature économique ou technologique, bouleverse gravement l’équilibre des prestations prévues au contrat. Les parties, pour éviter l’aléa de l’applicabilité de l’article 1195 du Code civil sur l’imprévision peuvent décider contractuellement en amont des conditions de l’application des clauses de hardship (définition du déséquilibre, situations d’imprévu, effets de la clause…). A la différence de la clause de MAC, la clause permet seulement une renégociation des termes du contrat dans un premier temps dont les conséquences seront à négocier entre les parties.
La négociation des déclarations et garanties des vendeurs au bénéfice de l’acquéreur s’annoncent également plus difficile. Le problème de ces déclarations est qu’elles sont négociées dès le signing mais réitérées au jour du closing. En cas de période longue entre le signing et closing, il existe un vrai risque qu’elles ne puissent être vérifiées au jour du closing, notamment si une garantie était prévue sur la gestion de la société pendant l’exercice en cours et qu’une crise comme celle du Covid survienne. A l’avenir, des mécanismes de mise à jour de ces garanties en cas de circonstances exceptionnelles pourront être imaginées.
Enfin, l’un des leviers les plus évidents est celui du prix de vente. A la place d’un prix fixe, les acquéreurs vont vouloir recourir de plus en plus à un prix susceptible d’ajustement sur la base de certains critères objectifs. Les clauses d’earn-out devraient donc être de plus en plus présentes à défaut des mécanismes de locked box prévoyant un prix fixe prédéterminé dès le signing.
Nous l’avons vu, cette crise va donc être l’occasion pour les praticiens du droit de se confronter à de nouvelles problématiques pour sécuriser au mieux les intérêts divergents entre les parties.
Nicolas Simon, avocat
Département Capital Investissement – International